Coupe du monde de rugby : Allez les bleus !!!

L'anecdote est racontée par Mario Ledesma, l'emblématique talonneur des Pumas : «Avant le match, Agustin Pichot a croisé les Français dans les couloirs du stade de France. Quand il est revenu dans notre vestiaire, ils nous a dit : "les gars, je les ai vu, ils sont pétrifiés."» Le constat s'est très largement vérifié pendant la rencontre, où la fébrilité des Bleus fut flagrante, notamment sur les vingt premières minutes. Les fautes de main et les mauvais choix ont été très nombreux (Heymans, Jauzion, Mignoni, Skrela...), les jambes ont paru lourdes, bref les hommes de Bernard Laporte n'étaient pas dans leur match. La pression était certes très grande, mais il est incompréhensible qu'une équipe de ce niveau se délite de la sorte. Bernard Laporte reconnaît : «On n'a pas su gérer cet évènement, c'est évident. On ne leur a certainement pas assez enlevé la pression, on n'a peut-être pas assez parlé. Je ne sais pas. La grandeur de l'évènement a mis une certaine pression, qui a engendré de la fébrilité. On n'a peut-être pas fait ce qu'il fallait» Aveu d'impuissance ahurissant après une rencontre d'une telle importance : comment les Bleus ont-ils pu exploser en vol avant même le coup d'envoi, alors qu'ils connaissaient depuis des mois, depuis des années, le contexte particulier de ce match d'ouverture ?

Dès la fin du match, le capitaine Raphaël Ibanez, sonné, avouait honnêtement : «On a préparé ce match de la meilleure façon. L'attente était immense et l'équipe n'a pas été à la hauteur de l'évènement. C'est quelque chose qui ne s'explique pas. Cela nous montre tout le chemin qui reste à parcourir.» On pensait pourtant que ce chemin était déjà parcouru, et que l'expérience de cette équipe suffirait à faire face à la pression d'un match d'ouverture à domicile. Au contraire, la fébrilité affichée pendant toute la première période a totalement coupé les pattes des joueurs français, alors que leurs adversaires récitaient eux parfaitement leur rugby. Après cette défaite, les Bleus s'exposent maintenant à une pression encore plus forte pour les prochaines rencontres. Submergés vendredi soir, ils devront montrer autre chose, dès samedi à Toulouse contre la Namibie.

Fabien Pelous résume en une phrase le deuxième gros problème de cette équipe de France : «On était partis sur ce schéma qui marche bien. Mais à partir du moment où les joueurs adverses te ralentissent les ballons, et où tu n'arrives pas à trouver les solutions, c'est difficile de mettre ton jeu en place.» Elémentaire. Mais quand l'adversaire vous empêche de jouer votre jeu, ce qui est après tout une tactique bien connue, pourquoi ne pas changer de plan de jeu ? L'absence de plan B est malheureusement un problème récurrent dans le rugby tricolore. On se souvient par exemple que les Bleus n'avaient déjà pas su s'adapter à la pluie et au jeu anglais lors de la demi finale en 2003. Derrière cette absence de réaction se pose aussi le problème du rôle des leaders (Ibanez, Pelous, Betsen, Jauzion, Dominici). Ce sont eux qui sont censés prendre les bonnes décisions sur le terrain, selon le contexte du match. Cette fois encore, ils ont été inexistants et impuissants.
Contre les Pumas, qui avaient en gros centré leurs intentions sur une grosse agressivité en défense et une pluie de chandelles pour occuper le terrain, il ne semblait pas insoluble de proposer une alternative, en accélérant les sorties de balles, en jouant dans leur dos, en utilisant plus le jeu au pied long, en écartant plus les ballons. Les Français n'ont pas su, n'ont pas pu, le faire, et c'est inquiétant. Pelous sous-entend pourtant qu'ils ne sont pas prêts de changer leur fusil d'épaule : «On est convaincus que notre jeu est positif, qu'il nous va bien et qu'on va gagner avec ça. Alors on restera têtus. Sur le terrain, il faut quand même essayer de réciter une partition qui se tienne. On a travaillé ce jeu-là, on y croit, donc on continuera dans ce jeu-là, je vous le dis. On ne va pas changer les choses parce qu'il y a eu un coup d'arrêt et qu'on n'a pas su trouver les clés du jeu au sol. Le truc, c'est juste de sortir les ballons plus rapidement.» L'affirmation peut surprendre. On peut en effet penser qu'une défaite nécessite des ajustements, des remises en question. L'équipe de France n'en prend visiblement pas le chemin.